+ Michel Sabbah, Patriarca
Jeudi Saint - 13/4/2006

Frères évêques, prêtres
Chers fidèles paroissiens et pèlerins

Nous voilà réunis, ce Jeudi Saint, comme chaque année, à Jérusalem, dans la Basilique du Calvaire, de la Croix et de la Résurrection, nous prêtres du Seigneur, avec nos fidèles et avec les pèlerins des Eglises du monde. Chaque Jeudi Saint, nous revenons ici pour méditer le moment où le Christ a voulu rester présent avec nous et nous confier son sacerdoce et sa mission.

Je voudrais méditer tout simplement avec vous, ce matin, les faits vécus par Jésus et ses disciples, la veille de sa mort. La dernière Cène. Le lavement des pieds, geste que nous allons tout à l’heure revivre. L’institution de l’Eucharistie, un dépôt de foi que nous gardons fidèlement et que nous vivons chaque jour avec l’Eglise entière, dans une communion universelle au Cénacle.
Méditons ensemble quelques versets du dernier discours de Jésus, la veille de sa Passion.
L’attitude de Pierre, sa prétendue fidélité à toute épreuve, sa faiblesse et le pardon obtenu et efficacement accueilli. « Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent, par la suite tu comprendras ». On est à l’heure de la Passion, et Pierre n’a pas encore compris. Ni les autres d’ailleurs.
Philippe est dans la même ignorance. Il dit à Jésus : « Nous ne savons pas où tu vas ». Il dit cela, après l’avoir accompagné pendant deux ans. Nous aussi, envoyés au service de Dieu et des hommes, nous ne sommes pas toujours sûrs de comprendre comment sera notre vie. Même après avoir passé de multiples années dans le sacerdoce, et après avoir traité avec Dieu de multiples manières, il arrive souvent que nous ne savons pas où nous allons.
D’un autre côté, accepter de porter le mystère de Dieu, c’est avoir conscience que nous ne comprenons pas tout ce que Dieu veut de nous. C’est seulement tout au long des jours, petit à petit, que le plan de Dieu se révèle. C’est avoir conscience que nous avons toujours besoin de la grâce de Celui qui nous a envoyés.

Pierre dit : « Non tu ne me laveras pas les pieds ». Humainement parlant, cela ne se fait pas. Le grand ne sert pas le petit. Mais dans les nouveaux critères de Dieu sur la terre, beaucoup de ce qui ne se fait pas devra se faire, tels que : les grands servent les petits et les pauvres, donner sa vie pour les autres, donner sa vie, sa tranquillité pour dire une parole de vérité, pour accompagner quelqu’un sous la menace de la mort ou de l’injustice…. Oui, désormais le grand lavera les pieds des plus petits, leur portera le pain de la vérité, au prix de sa propre tranquillité et de son propre confort.  Parce que les critères de Dieu sont : non pas ce que font les hommes, non pas ce qui plaît toujours aux hommes, mais ce que Dieu veut i.e. toute personne humaine a une dignité égale, et nous, prêtres, nous sommes en toute circonstance, instrument de salut pour toute personne humaine, grande et petite, même si cela peut parfois déplaire aux hommes.

« Le serviteur n’est pas plus grand que son maître », dit Jésus. Le maître a souffert. Il a été condamné. Il est normal que le disciple se trouve dans la même situation. Il sera plutôt anormal, dans des circonstances similaires, de ne pas nous trouver dans la même situation, par exemple de nous trouver entourés de la gloire et du bon plaisir des grands de ce monde, lorsque ces grands sont cause d’injustice et d’oppression.

« Faites ceci en mémoire de moi ». Refaites dans votre corps et dans votre âme le sacrifice que je fais. Votre vie sera marqué par le mystère de la mort, de la mort quotidienne, et cette mort quotidienne est l’unique source de la vie nouvelle. « La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (17,3).
Cette vie vient de la mort acceptée au Calvaire. Envoyés comme prêtres, notre vie sera une mort sur le Calvaire, pour rentrer dans la vie éternelle et dans la gloire de Dieu : « Je t’ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l’œuvre que tu m’as donné de faire ».

Enfin, ici, à Jérusalem, il est bon aussi de nous arrêter en ce Jeudi Saint, dans le dernier disocurs de Jésus, devant sa Prière pour l’Unité :
    « J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as tiré du monde pour me les donner… et ils ont gardé ta parole. Père saint, garde-les dans ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous… Sanctifie-les dans la Vérité » (17,6.11.17).
Devant le tombeau du Seigneur, dans cette basilique dans laquelle, malgré nos différences, notre prière s’élève pour la gloire de l’unique Christ Crucifié et Ressuscité, nous méditons sur notre responsabilité et sur notre capacité d’accueillir la grâce de l’unité. Chacun porte en soi, à côté de l’identité sacerdotale et avec sa foi en Jésus-Christ, de multiples identités humaines, principes de division et d’obstacles à la grâce de Dieu. Prêtres, nous sommes envoyés pour prêcher Jésus-Christ Sauveur. Sommes-nous seulement cela ? La question nous ouvrira les yeux pour voir ce qu’il faut purifier constamment en nous.
 L’Eglise de Jérusalem, petite, Eglise de témoins, a besoin de tous ses prêtres, de tout le sacerdoce de ses prêtres, résidents ou hôtes, pour porter son témoignage, dans le monde, et ici même, dans les réalités terrestres de mort que nous vivons. Cela aussi est l’objet de notre méditation.  

 La société d’aujourd’hui a besoin de personnes qui offrent leur vie pour elle. C’est là notre place comme prêtres et le sens de notre consécration à Dieu: offrir notre vie pour les autres, être des serviteurs désintéressés, purifiés de l’humain afin que nous ne soyons pas l’obstacle, mais l’instrument de la grâce de Dieu qui veut donner, à son Eglise et à toute cette terre sainte, la plénitude de la vie et de l’unité.        Amen.    
+ Michael Sabbah, Patriarche

 

 
 
 
 
 
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